Bulle(s)

Pas facile d'écrire ce post, que je rumine depuis plusieurs jours..

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Pas facile de parler de notre petite bulle de bonheur à nous, au milieu de ce désastre et de toutes ces douleurs en Haiti... et en France...

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Pas facile de trouver du temps pour nous, quand le temps presse tant pour eux, pour les timouns, pour les parents...

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Pas facile de retenir ses larmes en cotoyant tous ces parents avec des mauvaises nouvelles de toulaba, avec des nouvelles moyennes mais qui pourraient devenir mauvaises bientot, et avec des 'bonnes' nouvelles qui ne sont pas si bonnes que ça... Pas facile de se dire que certains enfants n'arriveront jamais, que d'autres n'arriveront que dans si longtemps... Pas facile de rassurer et d'aider les familles en attente, pas facile de trouver les mots, de faire ce qu'il faut...

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Pas facile de retenir ses larmes de joie aussi, à l'annonce des bonnes nouvelles, des timounettes enfin retrouvées en vie, et des timouns enfin arrivés chez eux, en France ou chez les voisins...

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Pas facile de ne pas faire de cauchemards ou de s'enlever de la tête que si la même catastrophe s'etait produite de l'autre coté du monde, dans notre 'toulaba à nous', il y a tout pile un an, je n'aurais pas non plus pu prouver que Caramelle était déjà ma fille, puisque je n'avais aucun document écrit attestant de quoi que ce soit, la seule 'preuve' que j'avais étant un coup de fil magique et un mail avec une date de naissance et un nom.... Et pourtant, j'ai adopté par l'intermédiaire d'un OAA (des plus sérieux) et dans un pays très organisé, très bureaucratique et avec une longue expérience de l'adoption.... Terrifiant, a posteriori, et en voyant ce qui se passe en Haiti maintenant ....

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Pas facile de faire comprendre aux gens qui n'y connaissent rien qu'on se sent parent dès ce coup de fil ou ce mail magique, qu'on n'a pas besoin de sentir bouger un bébé dans son ventre pour le faire sien immédiatement, et donc qu'on souffre pour lui dès cet instant, et encore plus évidement quand il doit vivre des catastrophes de cette ampleur... Pas facile de comprendre pourquoi les gens ne se rendent pas compte de l'urgence à les évacuer, à accélerer les procédures qui étaient déjà engagées, au besoin les terminer en France, nimporte quoi mais sortir son petit bout d'homme ou son petit bout de femme de cet enfer...

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Pas facile de ne pas se mettre en colère face à la rigidité administrative de la France, la dernière à rapatrier les timouns deja en procédure, et au compte goutte en plus... Pas facile de voir l'influence néfaste des grosses machines qui se nourrissent de la misère dans le monde, et qui donc appuient de tout leur poids et de leur influence pour laisser les enfants dans cette misere, justement, au lieu de les laisser partir dans leur famille d'adoption ... Pas facile de voir qu'il va bien falloir un jour s'attaquer et dénoncer l'Unicef, qui sous son couvert d'humanitaire et d' "intérêt supérieur de l'enfant", fait vraiment beaucoup de dégats.... Pas facile de se dire qu'à cause d'eux, de gens comme ça, entre autres, l'adoption en Haiti va surement être bloquée pendant des années, et que des centaines et des milliers d'enfants vont donc rester sur le carreau, tout ça bien sur au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant"....

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Pas facile de voir les amalgames répétés à loisir entre "parents adoptants" et "voleurs d'enfants", encore moins facile d'éviter de lire les commentaires des gros beaufs qui n'y connaissent rien mais savent tout mieux que tout le monde, et qui sont si violents dans leurs conneries... Et pas plus facile de voir que nos ministres, sensés être au courant au minimum, n'y connaissent finalement pas grand chose non plus, et racontent des énormités ... Encore pire de les voir en concurrence entre eux, pour grignoter une part d'audience et de popularité, avec des photos de petits (soit disant) orphelins noirs dans les bras, toujours efficace pour faire pleurer dans les chaumières....

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Pas facile de se dire qu'il va falloir faire grandir ma Petite Fleur dans un pays comme ça, un pays où les gros connards de base gèrent leurs propres problemes et interrogations perso et familiaux sur le dos des adoptés et des adoptants, et où les ronds de cuir du haut préfèrent pinailler sur la paperasserie plutôt que de penser aux priorités humaines, aux enfants, et aux parents...

Et pourtant....

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Il va bien falloir la faire grandir ici, puisque ce pays est maintenant le sien aussi ... Puisqu'au milieu de la tourmente, au milieu des larmes, notre petite bulle de bonheur rien qu'à nous : la réception d'une petite enveloppe de rien du tout en apparence, mais qui contenait un truc enorme, un truc attendu mais qui fait une drole d'impression quand même, qui marque un des points finaux du début de cette si belle aventure: l'adoption plénière d'Iris.

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Elle est maintenant toute à moi, et je suis maintenant toute à elle. Et c'est pour toujours.

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Et du coup, pas facile de retenir ses larmes en ouvrant cette petite enveloppe de rien du tout, des larmes de bonheur, d'émotion, de soulagement, et aussi de frayeur à posteriori, à me rendre compte que tout ça n'a tenu et ne tient toujours qu'à un fil, que tout peut basculer si vite, et qu'il faut vraiment profiter de son bonheur avant qu'il ne se sauve....

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Et pour fêter ça, puisqu'on ne pouvait pas boire les bulles du bonheur, MA fille pour TOUJOURS et moi, on a préféré nager dans les bulles du bonheur, ensemble...

Carpe Diem.